jeudi 30 août 2007

Hubert & Cie (6)

La vanité était un de ces péchés mortels dont abusait Hubert. Au début ca avait été très difficile de ne plus voir son reflet dans le miroir… Il se rappelle de cette époque où il devait s’entourer d’une cour de mignons pour l’admirer dans son château en Irlande. Merci le XXIe siècle. Il s’était fait installer ce système sophistiqué de projection accompagné d’une caméra pour pouvoir enfin admirer son reflet. Enfin débarrassé de ses sangsues encombrantes qui manquaient cruellement de sens esthétique – et Hubert pouvait apprécier enfin un style de vie solitaire qui lui allait si bien.
Son Blackberry se met a sonner. Carlito.
- "Groumpf. C’est moi."
Carlito avait toujours un peu de mal avec le langage articulé.
- "Comment ça va mon gros toutou ? Tu les as apprécié les petits ? J’espère que tu t’es pas fait mal avec le sac d’os. Je les avais préparés comme tu les aimes, bien saignés pour qu’ils soient bien tendres…"
Carlito émit un énorme rot pour toute réponse. Suivi d’un ou deux grognements de satisfaction. Un modèle de classe et de savoir vivre. Carlito était un esthète d’un autre genre - plus Dionysiaque qu’Apollinien.
- "Ouais. Pas mal. Je t’appelle pas pour parler bouffe. Hier soir, tu sais pas qui j’ai croisé, en boîte après le dîner." Il fait une pause. "Rosa".
Hubert blêmis. Rosa, c’était son ex de quand il était vivant. Evidement, le divorce n’avait pas été facile. On pouvais même dire qu’ils s’étaient plutôt mis sur la gueule l’un de l’autre. La dernière fois qu’ils s’étaient croisés, c’était il y a environ cent ans, à Saint Pétersbourg, à la cour du tsar avant sa chute. Et il portait encore les stigmates de cette rencontre. Depuis ils évitaient d’être sur le même continent au même moment. Aux dernières nouvelles, elle était partie chez les ricains, il y a plus de cinquante ans. Depuis, plus de nouvelles.
- "Euh, tu es sûr?" Hubert était hésitant.
- "Sûr".
Hubert racrocha, mal à l'aise.
Il reprit sa toilette. Il se badigeonna d'écran total - quelle belle invention, pour se protéger du soleil, et il sortit de chez lui pour se ruer au boulot.
Phil l'attendait...

mercredi 29 août 2007

Hubert & Cie (5)

Hubert avait vraiment abusé…il s’était empiffré comme un goret…. Et maintenant il se sentait tout chose. C’est vrai, il avait plus l’âge pour toute cette junk food et puis il fallait vraiment qu’il commence à bouffer à des horaires réguliers parce que cette alimentation anarchique commençait à lui bousiller la digestion. Heureusement que la petite l’avait fait courir, un peu d’exercice ça fait jamais de mal.
Avec tout ça il avait pris du retard dans le boulot et il allait se retrouver avec une vraie charrette et un manque douloureux d’équipe. C’est de sa faute, il peut pas s’empêcher de taper dans les forces vives de l’agence…
Le lendemain après-midi, Hubert ouvre un œil, tend le bras hors de son cercueil Ora Ito au design épuré– il a bien essayé de dormir dans un lit mais on ne change pas aussi facilement d’habitude après 450 ans- pour attraper son black berry et voir à quelle sauce il allait se faire manger. Après toutes ces bâfreries il n’avait toujours pas bouclé le dossier Boréal et il sentait qu’il allait se faire souffler dans les bronches par son boss Phil un ricain subtil à souhait. Et là, horreur absolue, un mail d’invitation à un séminaire de créativité pour les alcools Pimper…. Hubert était effondré. Il avait en horreur ce genre de réunion, non seulement il fallait être affable et souriant mais en plus on devait se lever à l’aube et on ne pouvait rien se mettre sous la dent pendant des jours. Dans ce milieu il était admis de saigner les clients mais seulement au sens figuré.
Bon, le seul truc c’était que la sauterie en question était organisée en Irlande, longtemps terre d’accueil pour Hubert, qu’il connaissait comme sa poche. Ca pourrait lui permettre d’aller saluer la famille, après tout ça faisait un bail.
Hop, une petite douche rapide et il saute dans son uniforme de commercial aux dents longues – jeans avachis à une blinde, pull en cachemire rouge sang à même la peau et lunette de soleil Ray Ban en toutes occasions (ça aurait pu paraitre suspect dans une autre profession mais chez un pubar, ça ne choquait personne). Faut dire qu’Hubert avait un petit côté minette folle de shopping qui tranchait brutalement avec le reste de ces habitudes de vampire.
Une fois prêt, il jette un coup d’œil dans le miroir, le sourire en coin et une mèche brune rebelle en travers du visage. Beau gosse le Hubert ! Surtout pour un type qui affiche plus de 450 ans au compteur. Mais la chasse pratiquée à haut niveau c’est un sport qui conserve…

Hubert & Cie (4)

La délicieuse petite Jennifer entrebâille la porte. Hubert voit sa délicate petite tête passer dans l’embrasure. Elle s’est habillée tout de noir, ce qui va bien avec sa coiffure jais qui lui encadre la tête… mignonne à croquer. Et, puis c’est étonnant avec ce qu’elle s’empiffre de Bounty d’être toujours aussi chétive…

"J’espère qu’elle ne se fait pas ces plats lyophilisés que ce con de client nous a envoyé… ça pourrait gâcher la viande, avec toutes ces merdes qu’ils mettent dedans, on sait plus ce qu'on mange aujourd'hui" se dit Hubert. Ils venaient juste de remporter le budget "Shrink Fast" et ce cher client s’était fait un plaisir d’inonder l’agence avec ses plats pestilentiels, comme pour répandre la bonne parole. Il ne se l’expliquait pas, mais la dernière fois qu’il avait croqué une anorexique accroc à cette poudre, il s’était senti barbouillé pendant deux jours.

Evidemment, Jennifer hurle en voyant le corps désarticulé de son DA. Un joli cri strident qui sens bon l’horreur. Pas de risque qu’on l’entende. A cette heure ci, il n’y a que lui et le gardien de nuit. Il avait eut la bonne idée de faire recruter un zombie pas trop causant qui répondait au nom de Martin. C’est pratique les zombies, pas un mot plus haut que l’autre, pas trop exigeant, et celui là était bien élevé, en général il attendait qu’on lui donne à manger sans trop se servir lui même. Ah oui, il y a toujours l’odeur que les humains semblaient trouver difficile à supporter. Mais il avait eut la bonne idée d'imbiber de ce nouveau parfum : "Fatal" de Tristan Iseurs. Une fragrance destinée aux hétéros un peu paumés, pour leur faire croire qu’ils peuvent encore faire tomber les filles… "Il vous emportera jusqu’au bout". Et puis, le client lui en avait fait là aussi livrer des caisses entières…

Perdu dans ses pensées, Hubert a une micro seconde de retard. Elle détale comme un lapin. Sauf que les lapins ça ne hurle pas "maman". Mais il aime bien aussi ce petit jeu, et un peu de sport avant le dessert, pourquoi pas, ça stimule la digestion.

lundi 27 août 2007

Hubert & Cie (3)

Ce boulot était vraiment top, non seulement il représentait une reserve inépuisable de bouffe mais en plus il lui permettait de laisser libre court à son sadisme naturel... et oui on est vampire ou on ne l'est pas.
Tout ces petits stagiaires cavalant dans les couloirs le ravissaient positivement, jeunes, dévoués, masochistes et toujours attifés à la dernière mode. Parce que c'est vrai, en cuisine, la présentation c'est important !!!
Bon, là, il fallait rapidement nettoyer tout ce bordel. Le petit DA il fallait le descendre fissa au parking pour le déposer sur le chemin du retour chez Carlito. Carlito, c'était sa petite faiblesse à Hubert, parce qu'on peut être vampire et avoir du coeur après tout.
Ils s'étaient connu tous les deux il y a dejà bien longtemps, à cette époque Hubert avait un mode de vie beaucoup plus en accord avec ce que l'on peut attendre d'un vampire. Il vivait dans un immense château dans un coin perdu de la lande irlandaise, un endroit idéalement lugubre et glacé. Carlito ne vivait pas loin de là, à la manière beaucoup plus triviale des loups garous, toujours à moitié à poils dans la lande à étriper quelques pauvres paysans faméliques les soirs de pleines lunes. Une vraie pitié.
Bref, ils avaient fini par sympatiser autour d'un bon diner et depuis, Carlito était devenu un peu l'âme damnée d'Hubert si l'on peut dire.
Donc, on attrape le corps desarticulé on le met dans une grande vache de présentation, c'est pas idéal mais bon, c'est mieux que rien, on prend l'ascenseur pour le parking et hop direction l'appart de Carlito.
Alors qu'il était en train de chercher des yeux dans son bureau la fameuse vache, Hubert entendit un timide grattement à la porte.
-"Hubert?..." demanda une voix féminine tremblante" Je peux rentrer ? J'ai tes accroches retravaillées comme tu me l'as demandé"
-"Merde, la petite rédac qui bosse avec le type que je viens de saigner " pensa Hubert"Va falloir que je m'en débarasse aussi et j'ai plus vraiment faim... mais bon, je terminerais bien par une note sucrée et la petite passe son temps au distributeur à boulotter des Bounty, elle doit avoir un vrai goût de paradis"
Hubert rit tout seul de son bon mot en répondant d'un ton enjoué :
-"Je t'en prie Jennifer, entre mon petit bout"

Hubert & Cie (2)

Hubert est publicitaire. Non, pas le genre je-suis-bronzé-toute-l’année-même-si-je-ne-prends-jamais-de-vacances. Tout l’opposé même. Il a une réputation de stakhanoviste qui ne travaille que la nuit. Et puis sa pâleur est légendaire. Mortelle même.

Il y a toujours de quoi se sustenter dans ce boulot, si grand consommateur de chair fraîche. Des petits jeunes encore fermes mais si tendres. Il adore cette viande qui a été élevée à courir dès le plus jeune âge. Et Hubert il est comme les chats. Il aime jouer avec la nourriture.

Par exemple, pendant la dernière nocturne – pas plus tard qu’hier soir.

-"Mais c’est quoi cette bouse intersidérale ? Non mais j’y crois pas. Trois ans que tu fait ce boulot et tu n’est même pas foutu de faire un packshot correct ?"

- "Hubert… je … "(silence). "Ecoute, je suis vraiment désolé. Je croyais…"
Il déchire brutalement le cromalin qu’il tenait dans la main. Le réduit en lambeaux en deux doigts. Facile pour lui. Ce n’est pas fait comme tout le monde un vampire quand même.

-"Tu croyais ? Qu’est ce que tu croyais ? Mon Dieu, mais qui m’a donné un con pareil ? Ecoute moi bien : si je veux ton opinion, tu attends religieusement que je te la donne. Il manquerait plus que tu commences à penser…"

Là, la petite bête est terrorisée. C’est le moment qu’il préfère. Il prend son air fatigué, soupire un grand coup.

-"Bon, tu me refais tout ça pour demain matin. Fissa. Je repasse vers 4h du mat’ et ça intérêt à être fini. Tu me balances toutes les heures où tu en es sur mon blackberry."
Il sent que la pauvre créature est épuisée. Ca doit faire la cinquième nocturne d’affilée qu’elle s’inflige. Elle tient à peine debout. Et c’est assez normal quand on réfléchis. Suer sang et larmes, ça n’aide pas.

Il prend son air câlin.

- Bon, tu me fais ça bien, hein ?

Le jeune DA reprends un peu de contenance. Hubert s’approche doucement. Et là, tendrement, il lui déchiquette la carotide. Le petit DA bouge encore un peu la tête. Le sang barbouille le visage d’Hubert et se répand par grands jets sur le sol. Le corps commence à se relâcher mollement. Son souffle s'arrête. Hubert reprend le sien doucement, après une bonne grosse goulée d'hémoglobine.

"C'est pratique cette moquette rouge - faudra que j'y pense pour chez moi, c'est pas trop salissant, et ca met en appétit" se dit Hubert. "Bon, au taf maintenant… "

dimanche 26 août 2007

Hubert & Cie

Hubert avait choisi ce boulot en parti à cause des nocturnes. Bien sur, il aurait pu trouver un job plus classique : veilleur de nuit, barman, un truc dans ce goût là. Mais Hubert, trouvait ça trop convenu et socialement vraiment pas assez satisfaisant.
Donc les horaires, lui allaient parfaitement, il faisait même tout son possible pour ne bosser quasi que la nuit. Il faut dire que c’était pas trop compliqué d’y arriver, dans ce boulot pour paraître performant il fallait pas commencer à s’activer avant la tombée de la nuit, on peut même dire que c’était presque une tradition dans ce métier, même le matin arriver avant 11h c’était mal vu, limite vulgaire.
Bon, il y avait bien quelques inconvénients dans ce boulot… Faut dire qu’Hubert est assez sauvage, il n’aime pas trop la compagnie, il est même d’un naturel plutôt taciturne si l’on peut dire. Et dans ce travail, il croisait de plus en plus souvent certains de ces congénères… Et il détestait ça Hubert croiser sur son « terrain de jeu »une vieille connaissance. Ils se reconnaissaient en un clin d’œil, quelques petits tics, comme le sourire si spécial et surtout l’odeur insupportable pour un vampire et imperceptible pour un humain.
La plupart du temps, ça dégénérait, ça finissait dans une ruelle au petit matin, dans un bain de sang. Mais bon l’avantage avec les vampires c’est qu’une fois égorgés, pfff, ça disparaît en poussière, sans traces, et zou. Malheureusement on pouvait pas en dire autant des loup garous et autres démons, ça c’était une autre affaire…